C’est moins chouette que de jouer pendant des heures avec le comparateur de blank de Rodhouse, disons le tout de suite, mais je me le suis pelé et j’ai trouvé ça intéressant. Je vous propose, pour ceux qui ne connaissent pas, le résumé et la compréhension que j’en ai. Je n’ai pas trouvé sur le forum ces info, donc ce sera une modeste contribution
. Ca n’empêchera pas les truites de gober paisiblement en toute quiétude, mais ça peut empêcher les diptères de s’asseoir pendant quelques temps.Donc, 3 grandeurs non subjectives caractérisent le blank. L’ERN (Effective rod number), qui donne sa capacité en charge statique, l’AA (action angle) si le blank est fast ou moderate, et le CCF, Common Cents Frequency, qui est une caractérisation dynamique de la capacité du blank à revenir à revenir en place plus ou moins vite. Aller, c’est parti.
L’ERN
Tout d’abord, on part du principe qu’un blank est chargé à sa « charge intrinsèque » lorsqu’il est déformé du tiers de sa longueur. C’est une définition à priori. Donc on coince la poignée sous un tas de bouquins sur un bord de table, et on attache au scion la masse permettant de faire descendre le tip du tiers de la longueur. En en fonction de la masse, on associe un chiffre, l’ERN, à l’aide de la pierre de Rosette du modeste Dr Bill. Etant allergique aux unités impériales, voici la correspondance en grammes. Dans le CCS, il faut faire ça avec des pièces de monnaie de 1 penny (cents)
. Pour ceux qui aiment les grains, les onces et les cents, voici la correspondance.Exemple : je déforme mon blank d’un tiers de sa longueur avec une masse de 128 grammes (ou un sachet de 51 cents), alors mon ERN est de 6.5
Et alors ?
Et bien avec 128g, ma canne est chargée au max en statique, intrinsèquement, même. C’est déjà une satisfaction en soi, et ça peut permettre aussi de comparer les blanks entre eux.
Ce qui est intéressant pour les moucheurs, surtout, c’est que avec un ERN de 6.5, d’après le CCS, la bonne ligne à utiliser est une soie de 6 (on prend la partie entière de l’ERN)
Mais pourquoi donc, et quel est le raisonnement derrière ?
La pierre de Rosette (du CCS toujours, puisque la vraie est en hiéroglyphe et en grec ancien) intègre le fait qu’on pêche bien à la mouche lorsqu’on déploie un poids de soie qui est entre 7 et 9% de la charge intrinsèque. Les 91 à 93% restant, si l’on charge jusqu’au niveau «intrinsèque», étant pris par la charge dynamique. Ce n’est pas écrit comme cela dans le CCS, mais c’est ce que disent les chiffres. En considérant qu’on lance 30 pieds de soie (soit 9.14m), on trouve le bon numéro de soie dans la norme AFTMA, qui définit entre autre la masse linéaire des soies en fonction de leur numéro (30 pieds de soie de 6 pesant 10,4grammes selon la norme, soit 8% de la charge intrinsèque de 128g vue plus haut)
Je comprends que c’est comme cela que Dr Bill a créé la pierre de rosette du CCS et a fait correspondre la charge intrinsèque et l’ERN, dont la partie entière donne le n° de soie à utiliser.
Le coup du 30 pieds de soie n’est, au passage, pas anodin avec ce raisonnement. Si on pêche court, on chargera mieux le blank avec une soie plus lourde que celle recommandée par l’ERN, et inversement, pour pêcher loin, prendre une soie plus petite ! (pas intuitif J)
En conclusion, c’est bien pour les moucheurs, mais ça peut intéresser aussi les lanceurs de leurres : le CCS considère qu’un blank qui lance 8% de sa charge intrinsèque statique est employé au mieux de ses capacités. Bon, voilà. Ca ne doit pas être toujours complètement juste, ça n’a pas l’air trop faux, mais je trouve ça intéressant et sympa.
AA
L’angle d’action est mesuré lors de la détermination de la charge intrinsèque. Une fois courbé du tiers de sa longueur, on regarde l’angle que fait le bout du sillon avec l’horizontale. Il s’agit donc d’une deuxième mesure statique, qui prend en compte la façon dont le blank se déforme, en complément de l’ERN, qui ne considère que la longueur de déformation (le tiers) Les 4 types d’action sont définis ci-dessous par le CCS :
En dessous de 59°, l’action est « slow »
Entre 59 et 63°, elle est « moderate »
Entre 63 et 66°, c’est du Moderate / Fast,
Puis Fast au dessus.
Cela correspond en gros à ce qui est indiqué par les vendeurs de blank.
Plus c’est « fast » et plus c’est nerveux (
), précis, et permet un bon contrôle de la ligne et de la perception des touches.Plus c’est « slow » et plus c’est doux et soyeux, agréable (si on aime la douceur et le soyeux bien sûr, ce qui n’est pas une obligation, car tous les gouts sont dans la nature), et ça minimise le risque de casse au ferrage ou en combat. Et ça limite les décrochés (ça c‘est vraiment agréable pour tous)
Du classique et bien connu, quoi
Pour être complet, il y aussi le « big picture », qui consiste à définir ERN et AA pour chaque portion du blank. Mais là, on entre vraiment dans la perversion aggravée, et je vous en fait grâce.
CCF
Ca, c’est très très bon, car c’est une vrai mesure dynamique. On charge le blank à sa charge intrinsèque, puis on coupe le fil qui retient la charge tout en déclenchant un chronomètre. Puis on arrète le chrono lorsque le blank a oscillé 20 fois. Puis on fait 60x20/temps mesuré en seconde et on obtient le CCF en nombre de cycles (ou de battements) par minute. 60 parce que 60 secondes dans une minute, et 20 parce que 20 oscillations. Plus cette valeur est grande, plus la canne revient vite vers sa position droite après une charge. Cela signifie que le blank transmet son énergie rapidement à la ligne. D’après Dr Bill, c’est vraiment intéressant car ça caractérise le « ressenti » sur la « nervosité » d’une canne, qui sont des sensations qu’il arrive ainsi à caractériser avec une valeur en absolue. Perso, je trouve aussi que cette valeur va donner une indication sur la distance du lancer. En effet, à frottements identiques (anneaux, diamètre fil ou soie, forme / aérodynamique du leurre ou volume de la mouche), le seul paramètre physique qui donne la trajectoire et la distance de lancer, c’est la vitesse initiale (le vecteur en fait, la direction joue aussi) quand on lâche la ligne. Donc à matos et conditions identiques, un blank lancera plus loin qu’un autre s’il a un plus grand CCF, car il éjectera soie ou leurre plus vite en sortie de lancer.
Le module (de raideur) des fibres utilisées doit impacter directement le CCF. Plus le blank est « raide », plus il revient vite, plus il lance loin.
Bon, ça exprime aussi le « feeling » qu’on peut avoir su la nervosité d’un blank. Et certainement la raisonnance. Ok Bill.
Conclusion
Pour les aspects puissance statique, le coup du tiers de la longueur pour la charge intrinsèque, et dire que moins de 10% de cette charge doit être pris par la charge idéale en statique, c’est intéressant. L’approche Rodhouse, avec le comparateur, est très bien aussi. Et pratique. Au lieu de définir des poids correspondant à une déformée pré-définie, il donne des profils de déformation pour 50, 100, 200 grammes etc… Méthode aussi bonne, et certainement plus facile à mettre en place.
Le CCF c'est excellent, car lié à la vitesse de réaction du blank, mais sa mesure n’est pas facile, et les fournisseurs ne la donnent pas à ma connaissance. Avec la conicité du blank pour caractériser la fameuse « réserve de puissance dans le talon » vantée par les pêcheurs de gros fish, ça doit permettre en relatif et en absolu de vraiment saisir les points forts d’un blank et de le comparer à un autre pour une application visée. Mais une telle base de donnée fiable n’existe pas, et ce doit être un sacré boulot de la mettre en place.
Heu, voilà, c’est tout ce que j’avais à dire.
Mon vernis doit être sec maintenant.
