Interview avec Vince Borges, le boss de Phenix
Publié : 30 nov. 2014 18:31
Au détour de quelques Question Réponse, voilà pour vous le résultat d'un entretien avec Vince, il y a pas mal de choses intéressantes pour les connaisseurs.
Rodhouse : Vince, bonjour ! Pouvez-vous nous présenter rapidement Phenix et nous raconter l'histoire de la société ?
Vince Borges (Phenix) : Phenix Rods a été créée en 1974 par Larry Howard. A l’origine Phenix était une marque basée dans le sud de la Californie et qui était principalement diffusée sur la côte ouest des USA. L’offre se concentrait alors essentiellement sur des cannes à bass, et proposait également quelques cannes à truites et quelques modèles mer. Phenix ne fabriquait alors pas ses propres blanks, mais assemblait des éléments de différents fabricants. Les blanks les plus utilisés à cette époque étaient des Shikari. Beaucoup de grands noms de la pêche au bass de cette période utilisaient des cannes Phenix, dont certains sont aujourd’hui au Sport Fishing Hall of Fame américain.
A la fin des années 90, Larry Howard a eu des problèmes de santé et pris la décision de vendre l’entreprise à son bras droit. Malheureusement, les nouveaux propriétaires décidèrent d’essayer de travailler avec des marques très différentes, ce qui mena à de sérieux problèmes de qualité. Les problèmes de SAV récurrents et une chute brutale des ventes finirent par avoir raison de Phenix en 2002.
Comme tout bon Phenix, la marque renaît de ses cendres en 2006 lorsqu’elle est rachetée par Jeff Tseng, passionné de pêche et ingénieur de formation. Aujourd’hui, Phenix est détenue par quatre associés, dont je fais partie et connaît un développement exponentiel. Nous sommes aujourd’hui distribués dans 18 pays et ce n’est pas fini. Nous fabriquons actuellement 400 références différentes, allant de l’ultra-light à la pêche au gros et tout ce qu’il y a entre les deux.
Rodhouse : Qu'est-ce qui différencie Phenix des autres marques ? En quoi êtes-vous une marque à part ?
Vince Borges : Le point de différenciation essentiel de Phenix par rapports aux autres grands noms du secteur, c’est le fait que nous avons notre propre usine. Nos produits ne sont pas fabriqués par une grosse usine qui rassemble des dizaines d’autres marques sous son toit. Le fait de posséder notre propre usine nous autorise à utiliser les meilleurs matériaux de chez Toray ou Mitsubishi. Cela nous autorise également à nous concentrer sur des séries plus petites en production et sur un contrôle qualité exigeant. C’est un avantage dont bénéficient directement nos clients finaux. Concernant les blanks que nous fabriquons en OEM, nous sommes aussi capables, grâce à notre usine, de produire des séries spécifiques de 50 pièces, plutôt que d’avoir des quantités minimum de commande de plus de 1000 pièces. Enfin, notre usine fabrique également des accessoires et des composants.
Sur nos cannes montées, nous n’utilisons que des composants de haute qualité venant de chez nous, ou de chez Fuji, Alps, Essex ou d’autres grand noms. Et, cerise sur le gâteau, tous les blanks et toutes les cannes Phenix sont garanties à vie.
Rodhouse : Comment Phenix développe ses nouveaux produits ? Quel est votre protocole de test ? Avez-vous une équipe compétition ?
Vince Borges : Jeff, notre ingénieur chef de produit est un véritable extrémiste lorsqu’il s’agit de son travail ! Sa passion pour notre activité, son envie de concevoir et fabriquer des cannes toujours au top de la technologie font qu’il est dans son job 24h/24, 7/7j. Il a tout le temps des idées, il est archi-créatif.
Pour ce qui est des étapes, voici comment ça marche : Quand Jeff a une idée de nouveau produit, ou simplement d’évolution d’un produit existant, il la fait passer aux autres associés. On en discute et on décide de faire (ou de ne pas faire) des protos. Une fois que ces protos sont faits, on décide d’avancer ou de mettre le projet à la poubelle. Pour une nouvelle gamme il faut compter environ 12 à 18 mois pour passer du stade des premiers protos à la commercialisation.
On sponsorise pas mal de pêcheurs pros qui font les grosses compétitions du circuit américain. On fournit aussi du matériel à beaucoup de guides de pêche ici aux États-Unis. Le temps qu’ils passent sur l’eau et l’utilisation qu’ils font des cannes sont le meilleur labo qu’on puisse imaginer. Nous sommes très attentifs aux retours des uns et des autres. Souvent, ces compétiteurs et guides sont aussi nos Bêta-testeurs : ils vont essayer des protos et nous donner leurs avis sur tel ou tel produit. Cela fait partie aussi de notre processus de développement avant de mettre un produit sur le marché.
Rodhouse : Sur vos blanks de la série M1, un sticker mentionne le fait que les nanotechnologies sont utilisées dans la fabrication du blank. Vous pouvez nous en dire plus sur ce point ? Quels sont les avantages finaux ?
Vince Borges : Une grande partie des termes utilisés par les fabricants de cannes aujourd’hui ne sont que du jargonnage marketing. Le but est de faire paraître leurs produits plus high-tech qu’ils ne le sont réellement. Évidemment, cela a une influence sur le comportement du consommateur, même si ce dernier n’a aucune idée de ce que sont ces fameuses technologies...
Les nanotechnologies, et plus particulièrement l’utilisation des nano-résines, sont une réalité aujourd’hui. Ces technos sont utilisés dans de nombreuses applications dans divers secteurs d’activité. La façon dont elles sont utilisées dans l’industrie de la pêche (dans la fabrication des cannes) est assez simple à comprendre. Les nano-résines sont utilisées principalement dans le cadre de la fabrication des cannes carbone. Si vous entrelacez vos doigts, vous aurez une petite idée de la façon dont on tisse les couches de fibre de carbone sur un scrim. Les résines posées sur le scrim sont comme une colle qui va venir tout assembler. Sans résine, nos cannes ressembleraient à une grosse pelote de fibres. En fait, il n’y aurait pas de canne du tout !
Maintenant, entrons dans le vif du sujet : les nano-résines. Le préfixe nano- veut dire « un milliardième d’unité de base », donc plutôt petit... Toutes les matières qui nous entourent sont composées de molécules, même l’air et l’eau. Si vous teniez une feuille de carbone devant vous, vous apercevriez des tout petits trous par lesquels passent le jour. Moins le carbone est de bonne qualité, plus ces trous sont nombreux et grands. Quand le carbone est enroulé autour du mandrin (la tige de métal qui sert à donner sa forme à un blank), ces petits trous demeurent et forment autant de petites poches d’air. Une résine standard est composée de molécules assez grosses, il faudra en utiliser davantage pour qu’elle vienne combler ces petites poches d’air. Et encore, pas de façon vraiment satisfaisante. Le résultat : un blank plus lourd, plus épais, mais pas nécessairement plus solide : après tout ce n’est que de la résine en plus. Et quand un grand nombre de ces petites poches d’air ne se remplissent pas de résine, on finit par avoir des points de faiblesse dans le blank.
Les nano-résines étant composées de molécules beaucoup plus petites, elles ont une meilleure capacité à s’écouler dans les fibres et à boucher ces micro-poches d’air, tout en permettant d’employer moins de résine (plus de légèreté, moins d’épaisseur). Pour illustrer ce propos : imaginez que vous prenez un pot. Vous le remplissez de balles de golf. Vous visualisez bien l’air qui reste entre les balles : ce sont les micro-poches d’air de nos feuilles de carbone. Maintenant, remplissez les espaces vides avec du sable et admettons que le sable est une résine standard. Vous avez l’impression que le sable a bien comblé tout le vide entre les balles de golf. Voici comment fonctionnent les nano-résines : même si le pot paraît plein avec l’ensemble balles-sables, si vous versez de l’eau, elle a encore de la place. Pourquoi ? parce que les molécules d’eau sont beaucoup plus petites que les grains de sable et bouchent donc toutes les petites cavités que vous ne pouviez voir à l’œil nu. Les nano-résines sont comme l’eau dans notre exemple.
Dans l’application qui nous concerne, les nano-résines nous permettent d’utiliser moins de résine dans la construction d’un blank, tout en le rendant plus léger, plus nerveux et plus solide. C’est la technologie que nous utilisons sur nos cannes et blanks de la série M1 Nanotubes, qui sont très légères, très résonantes et extrêmement fiables dans le temps.
Rodhouse : Est-ce qu'il y a des projets dont vous pouvez nous parler ? Quels sont vos objectifs pour l'année qui vient ?
Vince Borges : Comme je l’ai dit tout à l’heure, chez Phenix, on a du mal à se contenter de ce qui est déjà fait. Beaucoup de fabricants ont créé d’excellents produits, mais n’ont pas su les faire évoluer. Nous essayons de faire évoluer nos produits le plus possible. Un des gros projets récents, c’est la série K2. Ce sont les blanks parmi les plus légers, sinon les plus légers, du marché. Les blanks de la série K2 sont fabriqués essentiellement avec du carbone 46T, qui est utilisé dans de nombreuses industries de pointe. Nous avons cherché à pousser la technologie plus loin.
Avant d’aller plus loin, voici un ou deux points importants sur le carbone et sa qualité. Dans notre secteur d’activité, le carbone est classé selon sa résistance à la traction, qui se mesurera en tonnes par centimètre carré. Plus le chiffre est élevé, plus il y a de fibres par centimètre carré sur une feuille. Donc, plus il y a de fibres, plus le tissage est serré. Ce qui veut dire que l’on aura devant soi un matériau plus nerveux, mais aussi plus facilement friable. Dans un blank, ces fibres doivent pouvoir plier et revenir en place. Plus de fibres = moins de flexion = plus de casse.
On pourrait voir les différentes qualités de carbone sur un graphique en forme de U. D’un côté, au sommet, on aurait le carbone 52T, le plus qualitatif, mais totalement inadapté à la construction d’un blank car trop cassant en flexion. Ensuite on aurait dans l’ordre le 46T, le 40T, le 36T, le 30T et finalement le 24T en bas du U. Puis on recommencerait à monter sur l’autre branche de notre graphique en U : 20T, 16T, 12T, 8T, et finalement 6T en haut de la seconde branche. Moins le chiffre exprimé en Tonne est élevé, plus la durabilité d’un blank sera bonne : moins de fibres = plus de résistance à la flexion (hoop strength) = plus de fiabilité. Mais, vous vous rappelez ce que j’ai expliqué tout à l’heure ? Moins il y a de fibres, plus il y a d’air dans une feuille de carbone, ce qui veut dire qu’il faut plus de résine et que l’on arrive à un blank plus lourd et moins nerveux et résonant.
Plus on a besoin de résine pour fabriquer un blank et moins celui-ci sera nerveux et résonant. D’où les vraies avancées amenées par les nano-résines. Ce que l’on a fait sur la série K2 pour aller plus loin que les autres fabricants de blanks en 46T, c’est que l’on a utilisé plusieurs scrims pour atteindre un poids très bas et une grande sensibilité, tout en augmentant la fiabilité qui manque aux autres produits du marché. Je ne peux pas en dire beaucoup plus sur la configuration exacte, car ce sont des informations confidentielles et sensibles du point de vue de la concurrence. Maintenant que nous maîtrisons la technologie K2, nous allons bientôt pouvoir présenter de nouveaux modèles de cannes qui emploieront ce processus. Mais pour vous les rodbuilders, les blanks sont déjà disponibles !
Notre but, chez Phenix, est clairement de concevoir et de fabriquer les blanks et les cannes les plus riches en technologies du marché. Mais c’est aussi de continuer à faire grandir la marque à l’international, sans perdre de vue que nous sommes et resterons une petite société avec une culture bien particulière, que nos clients aiment particulièrement !
Rodhouse : Vince, bonjour ! Pouvez-vous nous présenter rapidement Phenix et nous raconter l'histoire de la société ?
Vince Borges (Phenix) : Phenix Rods a été créée en 1974 par Larry Howard. A l’origine Phenix était une marque basée dans le sud de la Californie et qui était principalement diffusée sur la côte ouest des USA. L’offre se concentrait alors essentiellement sur des cannes à bass, et proposait également quelques cannes à truites et quelques modèles mer. Phenix ne fabriquait alors pas ses propres blanks, mais assemblait des éléments de différents fabricants. Les blanks les plus utilisés à cette époque étaient des Shikari. Beaucoup de grands noms de la pêche au bass de cette période utilisaient des cannes Phenix, dont certains sont aujourd’hui au Sport Fishing Hall of Fame américain.
A la fin des années 90, Larry Howard a eu des problèmes de santé et pris la décision de vendre l’entreprise à son bras droit. Malheureusement, les nouveaux propriétaires décidèrent d’essayer de travailler avec des marques très différentes, ce qui mena à de sérieux problèmes de qualité. Les problèmes de SAV récurrents et une chute brutale des ventes finirent par avoir raison de Phenix en 2002.
Comme tout bon Phenix, la marque renaît de ses cendres en 2006 lorsqu’elle est rachetée par Jeff Tseng, passionné de pêche et ingénieur de formation. Aujourd’hui, Phenix est détenue par quatre associés, dont je fais partie et connaît un développement exponentiel. Nous sommes aujourd’hui distribués dans 18 pays et ce n’est pas fini. Nous fabriquons actuellement 400 références différentes, allant de l’ultra-light à la pêche au gros et tout ce qu’il y a entre les deux.
Rodhouse : Qu'est-ce qui différencie Phenix des autres marques ? En quoi êtes-vous une marque à part ?
Vince Borges : Le point de différenciation essentiel de Phenix par rapports aux autres grands noms du secteur, c’est le fait que nous avons notre propre usine. Nos produits ne sont pas fabriqués par une grosse usine qui rassemble des dizaines d’autres marques sous son toit. Le fait de posséder notre propre usine nous autorise à utiliser les meilleurs matériaux de chez Toray ou Mitsubishi. Cela nous autorise également à nous concentrer sur des séries plus petites en production et sur un contrôle qualité exigeant. C’est un avantage dont bénéficient directement nos clients finaux. Concernant les blanks que nous fabriquons en OEM, nous sommes aussi capables, grâce à notre usine, de produire des séries spécifiques de 50 pièces, plutôt que d’avoir des quantités minimum de commande de plus de 1000 pièces. Enfin, notre usine fabrique également des accessoires et des composants.
Sur nos cannes montées, nous n’utilisons que des composants de haute qualité venant de chez nous, ou de chez Fuji, Alps, Essex ou d’autres grand noms. Et, cerise sur le gâteau, tous les blanks et toutes les cannes Phenix sont garanties à vie.
Rodhouse : Comment Phenix développe ses nouveaux produits ? Quel est votre protocole de test ? Avez-vous une équipe compétition ?
Vince Borges : Jeff, notre ingénieur chef de produit est un véritable extrémiste lorsqu’il s’agit de son travail ! Sa passion pour notre activité, son envie de concevoir et fabriquer des cannes toujours au top de la technologie font qu’il est dans son job 24h/24, 7/7j. Il a tout le temps des idées, il est archi-créatif.
Pour ce qui est des étapes, voici comment ça marche : Quand Jeff a une idée de nouveau produit, ou simplement d’évolution d’un produit existant, il la fait passer aux autres associés. On en discute et on décide de faire (ou de ne pas faire) des protos. Une fois que ces protos sont faits, on décide d’avancer ou de mettre le projet à la poubelle. Pour une nouvelle gamme il faut compter environ 12 à 18 mois pour passer du stade des premiers protos à la commercialisation.
On sponsorise pas mal de pêcheurs pros qui font les grosses compétitions du circuit américain. On fournit aussi du matériel à beaucoup de guides de pêche ici aux États-Unis. Le temps qu’ils passent sur l’eau et l’utilisation qu’ils font des cannes sont le meilleur labo qu’on puisse imaginer. Nous sommes très attentifs aux retours des uns et des autres. Souvent, ces compétiteurs et guides sont aussi nos Bêta-testeurs : ils vont essayer des protos et nous donner leurs avis sur tel ou tel produit. Cela fait partie aussi de notre processus de développement avant de mettre un produit sur le marché.
Rodhouse : Sur vos blanks de la série M1, un sticker mentionne le fait que les nanotechnologies sont utilisées dans la fabrication du blank. Vous pouvez nous en dire plus sur ce point ? Quels sont les avantages finaux ?
Vince Borges : Une grande partie des termes utilisés par les fabricants de cannes aujourd’hui ne sont que du jargonnage marketing. Le but est de faire paraître leurs produits plus high-tech qu’ils ne le sont réellement. Évidemment, cela a une influence sur le comportement du consommateur, même si ce dernier n’a aucune idée de ce que sont ces fameuses technologies...
Les nanotechnologies, et plus particulièrement l’utilisation des nano-résines, sont une réalité aujourd’hui. Ces technos sont utilisés dans de nombreuses applications dans divers secteurs d’activité. La façon dont elles sont utilisées dans l’industrie de la pêche (dans la fabrication des cannes) est assez simple à comprendre. Les nano-résines sont utilisées principalement dans le cadre de la fabrication des cannes carbone. Si vous entrelacez vos doigts, vous aurez une petite idée de la façon dont on tisse les couches de fibre de carbone sur un scrim. Les résines posées sur le scrim sont comme une colle qui va venir tout assembler. Sans résine, nos cannes ressembleraient à une grosse pelote de fibres. En fait, il n’y aurait pas de canne du tout !
Maintenant, entrons dans le vif du sujet : les nano-résines. Le préfixe nano- veut dire « un milliardième d’unité de base », donc plutôt petit... Toutes les matières qui nous entourent sont composées de molécules, même l’air et l’eau. Si vous teniez une feuille de carbone devant vous, vous apercevriez des tout petits trous par lesquels passent le jour. Moins le carbone est de bonne qualité, plus ces trous sont nombreux et grands. Quand le carbone est enroulé autour du mandrin (la tige de métal qui sert à donner sa forme à un blank), ces petits trous demeurent et forment autant de petites poches d’air. Une résine standard est composée de molécules assez grosses, il faudra en utiliser davantage pour qu’elle vienne combler ces petites poches d’air. Et encore, pas de façon vraiment satisfaisante. Le résultat : un blank plus lourd, plus épais, mais pas nécessairement plus solide : après tout ce n’est que de la résine en plus. Et quand un grand nombre de ces petites poches d’air ne se remplissent pas de résine, on finit par avoir des points de faiblesse dans le blank.
Les nano-résines étant composées de molécules beaucoup plus petites, elles ont une meilleure capacité à s’écouler dans les fibres et à boucher ces micro-poches d’air, tout en permettant d’employer moins de résine (plus de légèreté, moins d’épaisseur). Pour illustrer ce propos : imaginez que vous prenez un pot. Vous le remplissez de balles de golf. Vous visualisez bien l’air qui reste entre les balles : ce sont les micro-poches d’air de nos feuilles de carbone. Maintenant, remplissez les espaces vides avec du sable et admettons que le sable est une résine standard. Vous avez l’impression que le sable a bien comblé tout le vide entre les balles de golf. Voici comment fonctionnent les nano-résines : même si le pot paraît plein avec l’ensemble balles-sables, si vous versez de l’eau, elle a encore de la place. Pourquoi ? parce que les molécules d’eau sont beaucoup plus petites que les grains de sable et bouchent donc toutes les petites cavités que vous ne pouviez voir à l’œil nu. Les nano-résines sont comme l’eau dans notre exemple.
Dans l’application qui nous concerne, les nano-résines nous permettent d’utiliser moins de résine dans la construction d’un blank, tout en le rendant plus léger, plus nerveux et plus solide. C’est la technologie que nous utilisons sur nos cannes et blanks de la série M1 Nanotubes, qui sont très légères, très résonantes et extrêmement fiables dans le temps.
Rodhouse : Est-ce qu'il y a des projets dont vous pouvez nous parler ? Quels sont vos objectifs pour l'année qui vient ?
Vince Borges : Comme je l’ai dit tout à l’heure, chez Phenix, on a du mal à se contenter de ce qui est déjà fait. Beaucoup de fabricants ont créé d’excellents produits, mais n’ont pas su les faire évoluer. Nous essayons de faire évoluer nos produits le plus possible. Un des gros projets récents, c’est la série K2. Ce sont les blanks parmi les plus légers, sinon les plus légers, du marché. Les blanks de la série K2 sont fabriqués essentiellement avec du carbone 46T, qui est utilisé dans de nombreuses industries de pointe. Nous avons cherché à pousser la technologie plus loin.
Avant d’aller plus loin, voici un ou deux points importants sur le carbone et sa qualité. Dans notre secteur d’activité, le carbone est classé selon sa résistance à la traction, qui se mesurera en tonnes par centimètre carré. Plus le chiffre est élevé, plus il y a de fibres par centimètre carré sur une feuille. Donc, plus il y a de fibres, plus le tissage est serré. Ce qui veut dire que l’on aura devant soi un matériau plus nerveux, mais aussi plus facilement friable. Dans un blank, ces fibres doivent pouvoir plier et revenir en place. Plus de fibres = moins de flexion = plus de casse.
On pourrait voir les différentes qualités de carbone sur un graphique en forme de U. D’un côté, au sommet, on aurait le carbone 52T, le plus qualitatif, mais totalement inadapté à la construction d’un blank car trop cassant en flexion. Ensuite on aurait dans l’ordre le 46T, le 40T, le 36T, le 30T et finalement le 24T en bas du U. Puis on recommencerait à monter sur l’autre branche de notre graphique en U : 20T, 16T, 12T, 8T, et finalement 6T en haut de la seconde branche. Moins le chiffre exprimé en Tonne est élevé, plus la durabilité d’un blank sera bonne : moins de fibres = plus de résistance à la flexion (hoop strength) = plus de fiabilité. Mais, vous vous rappelez ce que j’ai expliqué tout à l’heure ? Moins il y a de fibres, plus il y a d’air dans une feuille de carbone, ce qui veut dire qu’il faut plus de résine et que l’on arrive à un blank plus lourd et moins nerveux et résonant.
Plus on a besoin de résine pour fabriquer un blank et moins celui-ci sera nerveux et résonant. D’où les vraies avancées amenées par les nano-résines. Ce que l’on a fait sur la série K2 pour aller plus loin que les autres fabricants de blanks en 46T, c’est que l’on a utilisé plusieurs scrims pour atteindre un poids très bas et une grande sensibilité, tout en augmentant la fiabilité qui manque aux autres produits du marché. Je ne peux pas en dire beaucoup plus sur la configuration exacte, car ce sont des informations confidentielles et sensibles du point de vue de la concurrence. Maintenant que nous maîtrisons la technologie K2, nous allons bientôt pouvoir présenter de nouveaux modèles de cannes qui emploieront ce processus. Mais pour vous les rodbuilders, les blanks sont déjà disponibles !
Notre but, chez Phenix, est clairement de concevoir et de fabriquer les blanks et les cannes les plus riches en technologies du marché. Mais c’est aussi de continuer à faire grandir la marque à l’international, sans perdre de vue que nous sommes et resterons une petite société avec une culture bien particulière, que nos clients aiment particulièrement !